Si il y a bien quelque chose qui me fascine dans la vie, ce sont les gens qui, entraînés par leur envie d’expérimenter, choisissent un jour de quitter une vie confortable, pour vivre l’inconnu, et ce, sans aucune idéalisation ou immaturité. Simplement en pleine conscience et confiance de leurs propres ressources à s’adapter. Ils choisissent un jour de prendre le risque de remettre tout le fonctionnement de leur vie en question. Sortent de leur zone de confort. Contrant souvent l’avis de leurs proches, émis la plupart du temps dans la peur. 
Tout remettre en question, son quotidien, son travail, ses habitudes, son confort. N’est-ce pas ça la vraie vie, la vraie expérimentation de soi-même? N’est-ce pas exactement cela que le monde nous offre? N’est-ce pas ça le véritable challenge?
Il semblerait que c’est cette idée que partagent Hopper et Rohini, couple de la trentaine bien frappée, anglais résidants jusqu’alors à Londres et à Bristol.
Hopper, c’est le grand barbu, tatoué, un air de badass’ qui dès qu’il enlève ses lunettes révèlent alors un regard d’une tendresse infinie. Rohini, c’est la beauté même. Brune et l’apparence fragile, le sourire immense et communicatif, elle est douce, s’avère solide et créative. Ses tatouages en forme de triangles sur les doigts et les lunes ornants ses bras révèlent son côté mystique et spirituelle. Le genre de couple qui fait frémir. Le genre de couple qui vend du rêve… réalité.
Leur histoire, ils ont acceptés de me la confier alors que je passais la nuit dans leur Airbnb -superbe!- au beau milieu du désert californien dans la commune de Joshua Tree.
– « J’étais musicien dans un groupe! » lance Hopper
– « Moi, je travaillais en freelance dans une agence de création à Londres et à Bristol » ajoute Rohini.
En 2012, le jeune couple décide de partir en road trip aux USA pour 3 mois. Ils arrivent à Los Angeles, visitent Palm Springs, le désert, et tombent littéralement amoureux de la région de Joshua Tree.
Peignons le tableau. Joshua Tree, c’est une petite ville toute en longueur, autour d’une seule et même artère. Et tout autour, sur des kilomètres à la ronde, des maisons, plantées au milieu de dizaines d’hectares. Sans rien autour. Les voisins se situent là où l’on distingue les choses comme des fourmis. Loin, très loin. Le sable est partout, les routes, ou plutôt les chemins, sont « dirty », faits de poussière, les rattle snakes, ou serpent à sonnette en français, sont là chez eux, les coyotes et lapins également. Quant aux carcasses de voitures rouillées, elles semblent se fondre dans cette nature sans même choquer la vision parfaite de ce qui semblerait être un décor purement fictif de film western.

C’est de ça dont Rohini et Hopper sont précisément tombé amoureux. « On a poursuivi notre voyage, l’étape d’après était Portland. Mais on continuait de parler du désert… » Ils commencent alors à se renseigner, à regarder si il y a une possibilité de vivre dans cet endroit là, se renseignent sur le genre de personnes qui habitent ici. L’histoire commence à s’écrire.
De retour en Angleterre, l’idée ne les quittent plus. Ils décident alors que ce fantasme sera réalité et entament des recherches de propriétés disponibles dans la région. Moins d’un an plus tard, Hopper et Rohini repartent pour le désert et rencontrent un agent immobilier qui s’avérera être la perle dont ils avaient besoin. « La maison qui est aujourd’hui la notre n’était pas encore sur le marché à ce moment là. Notre agent nous a mis sur le coup au bon moment« . Le coup de coeur est là. Mais habiter aux Etats-Unis ne se fait pas du jour au lendemain. « Il a fallu trouver ce que nous allions faire ici! Nous avons pensé que louer la seconde maison sur notre terrain via Airbnb serait une bonne idée. Il y avait peu d’offres à ce moment là. » Hopper et Rohini demandent alors un VISA de petit entrepreneur. « Dès lors que tu investis 50’000 dollars sur ta propre entreprise, tu peux l’obtenir. » L’une des maisons allant devenir leur business, c’est donc ainsi que le couple obtient sa permission de vivre son rêve américain.

En 2014, soit 1 an et demi après le road trip qui leur a ouvert la voie, le duo débarque, valises en main, dans ce qui sera leur nouvelle vie, passant de l’agitation de leur grande ville anglaise, à un nouvel environnement totalement désertique. « Avez-vous ressenti un contrecoup quelques temps après votre arrivée? » Les deux répondent à l’unisson: « Jamais!! »
Rohini poursuit: « Jamais nous n’avons eu de regret ou de moment où on ne savait plus pourquoi on était là. Cette vie ici était le bon choix. On l’a su dès le début. »

Mais la vie dans le désert, qu’implique-t-elle?

Elle implique de savoir se débrouiller. « Nous sommes devenus manuels! On a appris à réparer tellement de choses ici! Le désert mange les objets. Il faut sans cesse rénover, réparer… Avant, Hopper ne savait rien faire. Aujourd’hui il sait construire un toit! » Même si la ville de Joshua Tree dispose de tout ce dont l’humain a besoin pour son confort, si l’on veut limiter les dépenses, il est évident qu’il faut apprendre à se débrouiller soi-même. « Si tu appelles un réparateur ou que tu demandes un coup de main, ce qui est beau ici, c’est que les gens ne réparent pas seulement et partent. Ils se donnent la responsabilité de t’enseigner comment réparer les choses. Tout ici est leçon. »
Quant au développement personnel, les deux jeunes gens admettent avoir énormément évolué. « Cet endroit nous a clairement changé. On a plus appris sur nous-même que durant toute notre vie d’avant. Le désert oblige à aller pleinement à la rencontre de soi » sourit Rohini.
Il faut bien l’imaginer, vivre dans ce genre de conditions qui impliquent une faune parfois hostile (crotales, veuves noires, scorpions, tarentules, coyotes) des conditions météorologiques difficiles et extrêmes (soleil, chaleur, sécheresse, vents parfois très violents, tempêtes de sable,…) l’humain est forcé de s’adapter et de sortir de sa zone de confort, faisant appel à des ressources très souvent complètement inconnues.
C’est aussi ça grandir.

Les verres se vident et Hopper offre d’entamer une deuxième tournée de bière. Nous proposons alors d’amener un peu de Vacherin fribourgeois pour accompagner ce qui prend gentiment la forme d’un apéritif. (Ndlr: Si vous avez suivi nos aventures, vous savez que nous sommes parties avec 1/4 de meule de ce fromage afin de réaliser des photos pour notre client dans le cadre de notre agence de communication.)

Les victuailles à disposition de chacun, nous reprenons notre conversation.
« Ici, c’est avant tout une communauté. On connait tous nos voisins, tous les gens de Joshua Tree. Il y a beaucoup d’originaux, d’artistes… Chaque personne a une histoire passionnante. Chaque personne est une source d’inspiration pour les autres… Ici je suis tout le temps inspirée! J’écris plus que je n’ai jamais écrit! » En effet, la jeune femme met aujourd’hui sa plume au service d’un magazine indépendant de la région. Hopper, quant à lui, compose et joue sa musique avec son band Mississippi Witch.

On croit toujours que le désert est un endroit tout à fait… désert de vies humaines. J’apprends que ceci est faux, ou en tout cas ne s’applique pas dans ce cas là. Avec le boum des réseaux sociaux et de la culture de vie consciente, plus proche de ses racines, plus spirituelle, plus « bohème », le désert connaît aujourd’hui une véritable ascension! De là à dire que tout le monde veut sa place dans le nowhere land, il n’y a qu’un pas… « C’est fou, en 2 ou 3 ans, le marché Airbnb dans la région est devenu saturé! » constate Rohini. « Il y a pleins de jeunes qui achètent une maison ici et qui la loue. Mais dans les conditions désertiques qu’on connait, tu ne peux pas avoir une résidence sans vivre sur place. Tout se dégrade si vite! Il faut être là pour prendre soin de son bien » Un développement soudain qui crée de grands débats au sein de la communauté de Joshua Tree. Car si en effet, il est positif que la région se développe et que les gens investissent de l’argent ici, les personnes originaires du coin ne trouvent désormais que difficilement un logement, ceux-ci étant acquis comme résidences secondaires peu habitées à l’année. De quoi en frustrer plus d’un.

Un environnement fascinant
Il faut bien le dire, le désert a quelque chose de grisant. Il nous reconnecte à notre côté sauvage. Tu sais, par exemple, qu’en quelques secondes tu peux te retrouver face à un animal qui pourrait menacer ta vie. Tu sais que tu es seul à des kilomètres à la ronde et que tu dois être capable de te débrouiller face à toutes les situations possibles. Le désert rend sauvage, fait se sentir libre. Attire, apeure, fascine, repousse. On l’adore, on le hait. Parfois les deux. Alors quand Hopper et Rohini ont annoncés à leurs proches qu’ils partaient s’installer précisément dans cet univers, ils se sont heurtés à quelques incompréhensions… qui se sont finalement rapidement transformées en enthousiasme non dissimulé. « J’avais des amis à Londres qui ne venaient jamais me voir car nous étions à 2h de route. Depuis que je suis ici, ils sont venus quoi… 20 fois? » Hopper éclate de rire.
« Vous savez, quand on a annoncé à nos famille qu’on allait partir, ça a été la panique pour ma mère qui m’a posé pleins de questions du genre « Mais comment allez-vous manger?? » Et puis elle est venu ici et a vu que nous avions une ville à quelques minutes, que nous avions de l’eau potable, que nous pouvions faire nos courses comme ailleurs, et juste rentrer chez nous comme n’importe qui. On ne manque de rien! » sourit Rohini.

Bodhi, le pitbull du couple profite de ce moment d’échange pour plonger sa grande truffe noire dans le vacherin fribourgeois qu’il reluque depuis quelques minutes déjà. « Le fromage le rend dingue! Stop Bodhi!! » ordonne Hopper.
Ici tout le monde a un pitbull. « C’est le chien du désert. Cette race est extraordinaire… » Il faut admettre que depuis que nous sommes arrivées, Bodhi est tout ce dont on peut attendre d’un ami à 4 pattes. Tendre, joyeux, joueur, protecteur. Terriblement câlin et affectueux. Loin, très loin de ce que les médias exposent au sujet des pitbulls. « Il y a juste des cons qui ont utilisés leur force pour en faire des chiens de combat et des animaux soit disant agressifs alors que ce sont de vrais gentils! » mon amie Sarah monte au créneau. Ceci est un autre débat, mais il est vrai que ce chien est vu et traité tout à fait différemment dans l’ouest des USA. De quoi changer son regard sur cette race qui mériterait bien sa place de popularité au côté des labradors ou autres Jack Russel.

Le soleil a maintenant disparu sur les montagnes du Joshua Tree National Park que nous apercevons au loin. Rapidement, nous sommes plongés dans l’obscurité totale. Bodhi fait des rondes autour de nous. Il nous protège. La nuit les tarentules et scorpions sortent, les coyotes rodent, les serpents se mouvent à la recherche de leur repas. Je remonte mes jambes sur le banc et commence à tirer une drôle de tête. Bien que j’apprécie immensément la compagnie d’Hopper et Rohini, il me tarde de me mettre à l’abri, dans notre superbe Airbnb. Mais ce serait trop facile d’être épargnée ainsi alors que le désert commence tout juste à jouer avec mes peurs.
Une troisième bière pour tout le monde (alors que pour ma part, j’enchaîne mon 3ème verre d’eau) offre à notre conversation une reprise encore plus belle. 21h, 22h, 23h, il est l’heure d’aller rejoindre notre petite maison. Pas une tarentule n’est finalement venu me chatouiller. En quelques heures à peine, le désert m’a appris à… relativiser.
Je me couche en pensant à lui. A ce désert. La sensation étrange de lui avoir serré la main et de m’être timidement présentée.
-« Nice to meet you Céline… »
-« See you soon… » …. Et si…?

–> Réservez une nuit ou plusieurs chez Hopper et Rohini et rencontrez-les! https://www.airbnb.fr/rooms/3760662
Mise à jour 2021: Le Airbnb d’Hopper et Rohini n’est plus disponible, Hopper l’a aménagé pour son studio d’enregistrement. 😉

Merci à Sarah Jaquemet pour les magnifiques photos qui illustrent cet article!

2 Comments

  1. Mélanie Martin Reply

    Magnifique article Céline sur ce couple qui a tout quitté pour vivre dans le désert. ça donne envie de tenter sa chance 😉 Et magnifiques photos pour agrémenter ton article. Belle continuation <3 Au plaisir de te lire

    • La Vie Bohème Reply

      Merci beaucoup Mélanie! Oh oui, ils sont super inspirants!! ça fait rêver! Des bises :*

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